Newsletter no 1

Chère lectrice, cher lecteur,

Nous avons le plaisir de vous envoyer la newsletter inaugurale de Pro Ethica; elle vous tiendra au courant de l’actualité récente concernant notre think tank.

Si vous recevez cette newsletter, c’est que vous vous êtes inscrit malgré le peu d’information dont vous disposiez sur notre think tank. Jusqu’à récemment, notre site web se trouvait dans un état encore embryonnaire et le zeppelin publicitaire à notre effigie n’était pas encore lancé. Nous vous remercions d’autant plus de votre confiance et de votre soutien.

Rassurez-vous, nous n’avons pas lancé de zeppelin publicitaire, car nous n’en avons pas (encore) besoin. En revanche, pour avoir une place dans le panorama éthique suisse et jouer un rôle utile, Pro Ethica a un besoin vital de membres actifs et de contributeurs. Si vous hésitez à participer à notre think tank, nous espérons que l’éditorial ci-dessous vous convaincra.

Auparavant, vous trouverez ci-dessous les dernières nouvelles concernant Pro Ethica en cette fin d’année 2011. Vos réactions concernant le format ou le contenu de cette newsletter sont bienvenues; contactez-nous ou visitez notre tribune des lecteurs.

En vous souhaitons d’heureuses fêtes de fin d’année,

Le comité


Dernières nouvelles

Après quatre mois d’existence, Pro Ethica dispose d’une identité claire et intéresse un nombre croissant de membres et de collaborateurs. Nous avons terminé le développement de notre site web, de notre charte et du dossier de présentation destiné à la presse ainsi qu’à de potentiels partenaires. Le dossier de présentation décrit en substance nos projets, qui constituent le moteur de Pro Ethica. Nous vous référons au dossier pour de plus amples informations sur les projets, mais en voici les grandes lignes:

- Ethometrics: il s’agit de développer un modèle d’analyse et d’évaluation morale des entreprises transnationales et des organisations internationales en fonction de critères issus de l’économie, du droit international, de la philosophie politique et, bien sûr, de l’éthique.

- Ethoscope: il s’agit de créer et de coordonner un réseau de groupes de travail au sujet de problématiques d’éthique appliquée liées aux enjeux contemporains, par exemple les différentes théories de l’écologie, la meilleure forme d’intégration et d’immigration, la nature de la justice sociale, les fondements éthiques de la résistance civile, la relation entre sphère privée et propriété intellectuelle, etc. En fonction du succès que rencontrera le projet, il est prévu de créer une revue électronique et de diffuser des prises de position sur ces sujets.

- Humaniora: il s’agit de développer une plateforme de vulgarisation pour expliquer les concepts propres à l’éthique et rendre compte des thèses et arguments célèbres à travers l’histoire des idées.

A noter que tous les projets sont au stade de la formation de groupes de travail. Nous cherchons activement des membres et des collaborateurs pour y participer. Nous cherchons également des membres intéressés par la gestion courante de l’association. Toute personne intéressée est priée de bien vouloir remplir ce formulaire ou de nous contacter directement. Les détails pratiques concernant l’inscription se trouvent ici.


Editorial

Une des questions que certains d’entre vous se posent peut-être, et que nous nous sommes posée en fondant Pro Ethica, est celle-ci: pourquoi s’investir dans un think tank suisse travaillant en éthique, alors que toute chose considérée, il pourrait s’avérer plus utile, en termes du bien du plus grand nombre, de s’engager dans une organisation humanitaire opérant en Afrique?

Ce type de dilemme, auquel vous avez certainement déjà été confronté, est utilisé par le philosophe Peter Singer dans son article intitulé Famine, Affluence and Morality. Dans cet article, il conclut que quiconque est capable de contribuer directement à la diminution de la pauvreté a le devoir moral de le faire, par exemple en donnant une importante partie de son revenu à des organisations caritatives ou humanitaires.

L’argument pour cette conclusion est le suivant: imaginez qu’au départ de votre balade dominicale, vous atteigniez un étang au milieu duquel un enfant est en train de se noyer. Vous pouvez sauver l’enfant sans peine: tout ce que vous risquez, c’est de mettre un peu de boue sur le bas de votre pantalon. Est-il moralement acceptable de ne pas sauver l’enfant? Certainement pas. Or, poursuit l’argument de Singer, s’il n’est pas moralement acceptable de ne pas sauver l’enfant, pourquoi serait-il moralement acceptable de ne pas faire un important don à une organisation humanitaire, sachant que ce don pourrait conduire à sauver de très nombreuses victimes de la famine tout en ayant une incidence minime sur son bien-être?

On peut parfaitement accepter l’idée que faire la charité est une bonne chose – plus précisément, une vertu – sans accepter l’idée que faire la charité, même dans les conditions de l’exemple de Singer, est un devoir moral. En acceptant l’idée que manifester une vertu est un devoir, on accepte qu’il est obligatoire d’acquérir cette vertu si on en a la capacité. Après tout, on ne peut manifester une vertu à moins de l’avoir acquise au préalable. Mais restreindre le devoir d’acquérir une vertu si on en a la capacité à la charité serait arbitraire. Or l’arbitraire est la manifestation d’une forme d’injustice, qui, elle, est un vice. Donc à moins de restreindre le devoir d’acquérir une vertu que l’on est capable d’acquérir au prix d’un vice évitable, ce qui contredit l’obligation d’acquérir toute vertu que l’on est capable d’acquérir, ce devoir doit toucher toute vertu. Donc acquérir toute vertu que l’on est capable d’acquérir est obligatoire…

Si on peut douter du caractère obligatoire de la charité, peut-on également douter du fait que, si s’investir à la fois dans un think tank en sciences morales et dans une organisation caritative était impossible, il serait préférable de s’investir dans l’organisation caritative plutôt que dans le think tank?

Nous pensons que oui. En développant un think tank en éthique, il ne s’agit pas d’empêcher qu’une valeur importante et inaliénable, celle qui s’attache à la vie humaine, soit perdue parce que le danger n’a pas su être arrêté à temps. Il s’agit plutôt de faire en sorte que le danger n’ait pas besoin d’être arrêté à temps – en somme, de le prévenir. Ce n’est pas le climat qui joue un rôle prépondérant dans la famine de certaines parties de l’Afrique. Ce qui joue un rôle prépondérant, c’est la pauvreté causée par les inégalités sociales liées à la corruption, à la discrimination, à l’exploitation des femmes et des enfants. Ces fléaux sont principalement humains. Et ils sont liés, en fin de compte, à une absence de considération et de sensibilité morale.

Il est possible de travailler, à l’échelle de la Suisse, contre le manque de considération et de sensibilité morale, et de le faire en tenant compte du long terme, en inscrivant ce travail dans un cadre institutionnel, à mi-parcours du monde académique et de la société civile. En utilisant les outils des sciences humaines pour parfaire notre compréhension des concepts éthiques. En mettant cette connaissance à l’épreuve de la critique au sein d’une revue électronique consacrée à l’éthique. En appliquant les thèses et arguments convaincants à des cas concrets au sein d’un groupe de travail. En vulgarisant intelligemment l’éthique, pour que le grand public dispose des moyens de former son propre jugement. En faisant connaîtrePro Ethica dans d’autres régions linguistiques. En participant à l’élaboration de nouveaux projets. En trouvant de nouveaux membres, et en convaincant de nouveaux donateurs. En s’occupant de la gestion courante de l’association qui anime le think tank.

Tout cela est possible ici est maintenant, et n’est pas moins utile que de s’investir dans une organisation caritative. Et heureusement, même si s’investir pour les deux types d’activités ne constitue pas un devoir, ces investissements ne sont pas incompatibles.

Prochaine newsletter: courant février

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